La fin des universités ! Telles qu'on les a connues… Jules Lamarre, Ph. D. « Aimez-vous les uns les autres » et, en se secourant mutuellement, on ne pourrait plus ni se faire la guerre, ni ériger l’injustice en système, ni élever des murs d’exclusion engendrant la peur, la pauvreté et la misère. Ainsi, Jésus était sûrement un activiste des plus dangereux avant la lettre aux yeux du pouvoir de son temps au même titre que Socrate, quelques siècles avant lui. Et c’est pourquoi il fallait sans doute les éliminer tous les deux, le premier, en le crucifiant à cause de propos qui n’avaient pourtant rien d’incendiaires mais qui déplaçaient les foules et menaçaient à coup sûr l’ordre établi. Quant au second, on l’a empoisonné parce qu’il pervertissait la jeunesse en lui inculquant l’importance de questionner tout ce qui semblait aller de soi en société, soit toutes les idées reçues (Platon). Or quand on y réfléchit, c’est pourtant ce que devrait faire tout bon professeur. Quoi qu’il en soit, ni Jésus ni Socrate n’ont laissé d’écrits. Ce sont leurs disciples qui se sont chargés de transmettre leurs propos qui ont ainsi pu traverser le temps et l’espace et se rendre à peu près intacts jusqu’à nous après avoir été relayés à toutes les époques par d’autres grands penseurs. Et leurs propos possèderont toujours le même pouvoir décapant, du moins tant qu’ils ne deviendront pas eux-mêmes des idées reçues, des idées allant de soi, ce qui, semble-t-il ne risque pas de se réaliser dans un avenir prévisible. Il conviendrait de nous unir, de nous aimer davantage les uns les autres pour mieux confronter les grands problèmes de l’heure que sont, notamment, les changements climatiques et la montée des inégalités de toutes sortes, deux fléaux qui s’alimentent l’un à l’autre et qui, si rien n’est fait pour les enrayer, pourraient bien provoquer sous peu des catastrophes de proportions bibliques. En tout cas, on ne cesse de nous le répéter. Aujourd’hui, ce sont des gens comme Robert B. Reich, Noam Chomsky et autres Joseph E. Stiglitz qui se chargent de démonter les idées reçues, d’abord pour nous aider à nous y retrouver, pour ensuite nous enjoindre de faire front commun devant ce qui devrait encore pouvoir être évité. Et, du moins dans certains pays, les Reich, Chomsky et autres pourfendeurs d’un certain ordre établi sont généralement à l’abri des graves ennuis qu’ont connus leurs illustres prédécesseurs parce que, il y a bien longtemps, ils s’étaient tenus debout. Dans bien d’autres pays, malheureusement, il ne faudrait pas trop se risquer à les imiter, là où tout pourrait bien se terminer après avoir été copieusement fouetté, comme aux temps de l’évangile, ou bien coupés en morceaux, comme dans un consulat d’Arabie Saoudite. Heureusement, les pouvoirs publics des pays dits démocratiques ne peuvent faire taire les grands professeur(e)s qui cherchent à éveiller les consciences en vue de les mettre au diapason. Toutefois, diverses techniques y existent quand même qui sont à la portée des premiers pour annuler les efforts des seconds. L’une d’entre elles consiste à ridiculiser les professeurs sur la place publique pour mieux les discréditer, ce à quoi excelle le très drôle président Trump, quand il dit ne pas avoir le temps de lire le dernier rapport du GIEC devant des auditoires tordus de rire, noyant ainsi le sacré dans le profane. Mais il existe des techniques moins grossières mais plus insidieuses pour museler tous les empêcheurs de tourner en rond et dont on se sert même chez-nous, mine de rien. Il y a, par exemple, celle qui consiste à confondre les esprits en abordant des sujets préoccupants mais toujours en regardant vers l’avenir seulement, comme Justin Trudeau quand il dit voler comme Batman au secours de la classe moyenne qui n’aura donc pas d’autre choix que de se porter mieux grâce à lui, puisqu’il dit s’en occuper. Justin Trudeau n’a donc que faire de tous ces prophètes de malheurs en train d’expliquer sur toutes les tribunes possibles comment opère au grand jour un processus qui, depuis des décennies déjà, est bel et bien en train de digérer inexorablement la classe moyenne. Ce qui lui permet de ne pas avoir à exiger de comptes de ceux à qui profitent sa douloureuse agonie, c’est-à-dire les super-riches, comme les appelle Chomsky, auprès desquels, en contexte néolibéral, l’État n’est jamais le bienvenu, sauf quand il vient alléger leur fardeau fiscal. Or si Jésus était de retour, bon Dieu qu’il pourrait mous aider en faisant à nouveau un malheur comme la fois où, rendu à bout, il avait sorti les marchands du temple, soit un des épisodes parmi les plus croustillants de sa vie publique qu’il serait bien de rééditer à nouveau et à grande échelle. Et si à son tour Socrate revenait, il serait bien obligé de constater que, même si bon nombre de gens sont bel et bien au courant des propos qu’il a tenus il y a plus de 2000 ans maintenant, de deux choses l’une : ou bien ils ne les auraient jamais compris, ou bien, de façon plus plausible, on n’aurait pas trop souvent osé appliquer aux idées reçues contemporaines sa méthode vitriolique d’analyse étant donné les sanctions possibles. Mais à la décharge de la grande majorité des professeurs qui ne s’y risqueraient jamais de peur de nuire à l’avancement de leurs carrières, il faut signaler qu’aucune université ne serait prête à engager désormais quel que Socrate que ce soit, parce qu’il deviendrait alors une sorte d’ennemi de la stagnation tout en faisant fuir les subventions de recherche, et pour cause ! Les dirigeants d’universités, qui malheureusement compteraient encore dans leurs rangs de grands penseurs du calibre des Chomsky ou Reich, n’ont qu’à faire preuve d’un peu de patience. En effet, un jour ces derniers finiront bien par s’en aller et il suffira alors de couper leurs postes par attrition. Il faudra ensuite veiller à ce que les universités deviennent désormais des « Écoles d’ingénieurs », là où on apprendra sans le moindre remord aux étudiant(e)s à régler tous les problèmes, petits et grands, uniquement de façon technique. Plus question d’y mettre en cause les idées reçues. Et alors, le flux continu des subventions de recherche, si essentiel au bon fonctionnement des universités d’aujourd’hui, et qui provient de plus en plus de l’entreprise privée, achèvera de les y assujettir. Ainsi, l’avenir d’universités devenues socialement inoffensives sera assuré sous le regard approbateur de notre « République des satisfaits » (Galbraith). Mon Dieu, aidez-nous… Platon, L’Apologie de Socrate, https://beq.ebooksgratuits.com/Philosophie/Platon-apologie.pdf |
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